Et si on vous disait que le tennis n’est pas qu’affaire de rigueur, de topspin millimétré et de revers liftés à répétition ? Si un joueur incarnait l’antithèse du tennis scolaire, ce serait bien Alexander Bublik. À 26 ans, ce Kazakh d’origine russe détonne sur le circuit. À la fois provocateur, virtuose, imprévisible, il fait rire, grincer des dents, et parfois, rêver. Accrochez-vous, car son parcours est tout sauf linéaire.
Une enfance entre sport et tradition
Né le 17 juin 1997 à Gatchina, en Russie, Alexander « Sacha » Bublik baigne très tôt dans une ambiance sportive. Son père, Stanislav, est footballeur pro. Sa mère, Marina, est une athlète accomplie. Autant dire que les après-midi devant des dessins animés laissent rapidement place aux séances de tennis. Et le petit Sacha accroche : raquette en main, il révèle vite un toucher hors du commun.
Lorsqu’il choisit de représenter le Kazakhstan plutôt que la Russie, c’est moins un choix politique qu’une opportunité sportive. Le pays lui offre un cadre plus favorable à sa progression. Et Bublik, dès lors, trace sa route, avec l’audace de ceux qui ne veulent pas rentrer dans les cases.
Des débuts qui décoiffent
En 2016, le jeune Alexander crée la surprise en se qualifiant pour un tournoi ATP à Moscou. Face à Roberto Bautista Agut, alors 13e mondial, il claque une victoire inattendue. Premier gros coup d’éclat. Premier avertissement pour les autres.
À cette époque, il est encore brut. Talentueux, sans filtre, souvent excessif. Mais une chose est sûre : il ne passe pas inaperçu. Sur le circuit, on l’appelle vite le trublion. Il dérange, amuse, divise.
Un jeu sans filet… mais spectaculaire
Ce qui frappe chez Bublik, c’est son style. Sa spécialité ? Le service à la cuillère, osé en pleine balle de match. Ses coups droits frappés en déséquilibre. Ses amorties sorties de nulle part. Il prend des risques là où d’autres assurent. En 2023, il bat même un triste record : 364 doubles fautes en une saison. Presque une provocation.
Mais ce qui pourrait faire rire les uns ne doit pas masquer l’essentiel : Bublik est un joueur redoutable. Lorsqu’il est inspiré, il peut battre les meilleurs. Il l’a prouvé en 2023 à Halle, tournoi ATP 500 sur gazon, où il terrasse Coric, Zverev et s’adjuge le titre. De l’instantané. De la magie pure.
Un personnage à part entière
Bublik, c’est aussi un tempérament. Parfois grinçant, souvent drôle. Il balance des vérités crues en conférence de presse. Comme ce jour où il lâche : « Beaucoup sont là juste pour l’argent. »
Mais sous la provocation, il y a une vraie recherche de sens. Après sa victoire à Halle, il confie qu’il retrouve le plaisir du jeu. Moins le besoin de gagner sa vie, plus le besoin d’exister sur le court. Une nuance qui dit beaucoup.
2023 : l’année du déclic ?
Son triomphe à Halle est plus qu’un titre. C’est une métamorphose. Il entre dans le top 20 mondial (17e). Lui qu’on croyait éternel espoir devient joueur confirmé. Mieux : il commence à canaliser son énergie. Sans perdre sa folie.
Sur le terrain, il garde ce côté imprévisible qui fascine les spectateurs. Un match avec lui, c’est un spectacle vivant. Il parle à l’arbitre, sourit aux ramasseurs, improvise. C’est parfois chaotique, mais jamais ennuyeux.
Un tennis qui ne ressemble à personne d’autre
À l’heure où le tennis devient de plus en plus standardisé, Bublik incarne une rareté. Il joue avec son instinct. Il casse le rythme. Il déconcerte. Et il attire. Que l’on l’aime ou qu’on le déteste, on le regarde. Car avec lui, tout peut arriver.
Il a cette étincelle, ce grain de folie, ce refus de se conformer. Alexander Bublik, c’est un peu le jazz du tennis : imprévisible, audacieux, vivant.
Et maintenant ?
À 26 ans, il a encore tout devant lui. La maturité vient, le feu intérieur reste. Bublik n’a peut-être pas le palmarès d’un Djokovic, mais il a ce que peu possèdent : une signature. Un style. Une manière de faire vibrer les courts autrement.
On ne sait pas où il ira. Mais on sait qu’on voudra suivre.
Et c’est peut-être ça, être inoubliable.